Projets probants
Définition et historique des données probantes en promotion de la santé
La plupart des actions réalisées en promotion de la santé font l’objet d’une évaluation. Celle-ci peut être destinée par exemple aux financeurs, pour rendre compte de la bonne utilisation des crédits, aux partenaires, pour valoriser un travail commun, ou encore à la population concernée, pour communiquer sur la plus-value de l’action, … Toutes ces données constituent-elles pour autant des données probantes ?
Historique et définition
C’est à partir des années 70 qu’émerge la volonté de fonder les pratiques médicales sur des données probantes, dans un objectif de recherche d’efficacité, d’efficience et de rentabilité. En 1992, un groupe de travail « The Evidence Based Medicine working group » introduit un nouveau paradigme dans le domaine de la santé : l’EBM (Evidence Based Medicine), initié par A.L. Cochrane, épidémiologiste écossais. Le terme d’Evidence Based (données probantes), originairement utilisé dans le cadre de pratiques médicales, s’est ensuite généralisé au social et à la santé.1 L’Organisation Mondiale de la Santé définit les données probantes comme des « conclusions tirées de recherches et autres connaissances qui peuvent servir de base utile à la prise de décision dans le domaine de la santé publique et des soins de santé. »2 Autrement dit : « c’est trouver, utiliser et partager ce qui fonctionne en santé publique. » 3 Linda CAMBON, chercheur associé à l’Université de Lorraine, traduit la promotion de la santé basée sur les données probantes par une : « Utilisation d’informations, issues de la recherche et des études systématiques, permettant d’identifier les déterminants et facteurs qui influencent les besoins de santé ainsi que les actions de promotion de la santé qui s’avèrent les plus efficaces pour y remédier dans un contexte et une population donnés. »4 Ainsi, les acteurs de terrain en promotion de la santé peuvent argumenter leurs choix en s’appuyant sur des données issues de la recherche ou d’expériences antérieures en privilégiant la complémentarité des sources d’information et des formes de connaissance.
Les enjeux de l'utilisation des données probantes en promotion de la santé
Pour élaborer une action de qualité en promotion de la santé, un certain degré de standardisation de la méthodologie de projet et de son vocabulaire est nécessaire. C’est en partant de ce postulat, à la fin des années 90, que la recherche de la qualité en promotion de la santé a débuté. Des outils méthodologiques ont d’abord été développés pour la planification et le pilotage d’actions (fiche-action, guides méthodologiques, …). Puis, dans les années 2000, les différents travaux menés au niveau international attirent l’attention sur l’évaluation et notamment sur l’efficacité. La principale question posée est liée à la réussite d’un programme et à l’identification des preuves qui en attestent. L’accent est ensuite mis sur l’efficience sous l’influence de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF)5 . Aujourd’hui encore la prévention reste le « parent pauvre » du système de santé (financement restreint, influence des lobbies, …), malgré la loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016 qui la place parmi les axes prioritaires. Il s’avère donc essentiel à ce jour que les professionnels valorisent leur secteur d’activité. Cette valorisation passe notamment par l’élaboration de programmes d’actions basés sur des données probantes.
L’intégration de données probantes dans un projet en promotion de la santé ne suffit pas à le rendre lui-même probant. Les responsables de programmes ont également à s’assurer de l’efficacité de leur méthodologie d’intervention, basée sur la recherche scientifique, et d’une démarche d’évaluation rigoureuse de l’impact et de la qualité de l’action. En fonction des résultats, l’action peut être considérée comme probante ou non. Pour ce faire, ils peuvent se servir d’outils validés d’aide au diagnostic, à la mise en œuvre, à l’évaluation et à la recherche de la qualité tels que Precede/Proceed, PREFFI 2.0, OCR (Outil de Catégorisation des Résultats), EQUIHP (European QUality Instrument for Health Promotion), le guide d’auto-évaluation « Comment améliorer la qualité de vos actions en promotion de la santé ? » de l’INPES, etc.
Linda Cambon identifie 5 enjeux liés à l’utilisation des données probantes en promotion de la santée :
• Être plus efficace
• Améliorer ses pratiques
• Crédibiliser la prise de parole vis-à-vis des questions de santé
• Faire reconnaitre un secteur d’intervention.
• Légitimer son action en tant que professionnel ou structure.
1 : Béatrice LAMBOY, Introduction aux notions d’«interventions efficaces» et de «données probantes» : définitions et éléments historiques, Inpes, novembre 2010
2 : OMS, 2004
3 : Centre de Collaboration Nationale des Méthodes et Outils, url : cbpp-pcpe. phac-aspc.gc.ca/fr/resources/evidence-informed-decision-making/ consulté le 19/06/17
4 : CAMBON L., RIDDE V., ALLA F., Réflexions et perspectives concernant l’evidence-based health promotion dans le contexte français, Revue d’épidémiologie et de santé publique 2010/08 pp.277-283
5 : HAMEL E., BODET E., MOQUET M.-J., dir. Démarche qualité pour les associations intervenant en promotion de la santé. Saint-Denis : Inpes, coll. Santé en Action, 2012 : 116 p.
6 : CAMBON L., (avec ALLA F.), Démarches probantes : enjeux, démarche, vigilance. Paris : Séquence 1 Formation de formateurs, 2016.